COURS DE CHROMATOGRAPHIE  (Master de Chimie 1ère année)  Faculté des Sciences d'Orsay
- Généralités sur la chromatographie
- Théorie de la chromatographie 1
- Théorie de la chromatographie 2
- Théorie de la chromatographie 3
- La chromatographie en phase gazeuse (CPG)
- Analyse en chromatographie en phase gazeuse
- Optimisation d'une analyse
- Glossaire

THÉORIE DE LA CHROMATOGRAPHIE (2)

 


2-1-  LA FORME DES PICS EN CHROMATOGRAPHIE

Au moment de l’injection, de durée (dt), le "futur" pic de chromatographie a un profil rectangulaire ; 
à la sortie de la colonne, il se retrouve déformé suivant une loi statistique approximativement « normale »,  c'est une courbe de Gauss.
  soit pour le pic :
Figure 2-1 : Profil des pics chromatographiques

L'équation mathématique y=f(t) de la courbe de Gauss est :

Une courbe de Gauss est caractérisée par  les paramètres suivants: (Cf figure 2-1)

1-Écart-type = s.  L'écart type s correspond à la moitié de la largeur du pic mesuré à 60,6% de sa hauteur.

2- Variance = s2

3- Largeur à mi-hauteur = d mesurée à h/2. On a la relation: d = 2,35s.      (eq.2-1)

4- la "base"  du pic = w. Cette base est extrapolée par des tangentes aux deux branches et passant par les points d'inflexion de la courbe de Gauss.

On a la relation:          w = 4 s .            (eq.2-2)

Une conséquence de la loi statistique « normale » est que 95,4% des valeurs de tr du pic se trouve dans l’intervalle [tr-2s ; tr+2s ]

 

2-2 -MODÈLE DES PLATEAUX THÉORIQUES

Vers 1950, MARTIN et SYNGE ont tenté de justifier la forme des pics de chromatographie, en assimilant une colonne de chromatographie à une colonne à distiller.
Ce qui s'est avéré inexact par la suite (les 2 phénomènes sont physiquement différents).

2-2-1 Notion de plateaux théoriques



Une colonne de N plateaux théoriques est une colonne divisée en N petits disques cylindriques successifs.
On admet que la phase mobile progresse non pas de façon continue, mais par sauts successifs d'un plateau théorique à l'autre.Dans chaque plateau théorique,
on observe une rétention du  soluté S, du fait de l'équilibre de ce produit entre la phase mobile (Spm) et la phase stationnaire (Sps).
Une colonne réelle aura donc "N plateaux théoriques" si elle se comporte comme une "colonne à distiller théorique" de N plateaux.
Dans cette théorie, les pics de chromatographie ont une forme gaussienne et la variance s2 est reliée au nombre de plateaux théoriques N et au temps de rétention tr par la relation:

     Ns2=(tr)2        (eq.2-3)

N augmente donc avec le temps de rétention et diminue si la largeur des pics (s) augmente.
D'après la relation 2-3, une « bonne » colonne de chromatographie qui conduit à des pics fins (s petit) pour des temps de rétention (tr) élevés, est donc caractérisée
par un nombre de plateaux théoriques N élevé..

On peut calculer N en fonction des grandeurs expérimentales de 3 manières différentes:

Formule (eq.2-4) utilisant la base extrapolée w du pic

Formule (eq.2-5) utilisant la largeur à mi hauteur d du pic

Formule (eq.2-6)  utilisant la hauteur hp et l'aire A du pic

(w, d , hp, A et tr doivent être exprimés dans la même unité).

L'intérêt de la notion de plateaux théorique est de nous donner une idée de l'efficacité d'une colonne, mais seul l'ordre de grandeur de N est à prendre en compte.
Bien que cette notion de plateaux théoriques soit issue d'une théorie qui s'est avérée inexacte, elle est toujours utilisée car c'est une notion simple et qui bien ancrée dans les habitudes des chromatographistes. Les fabriquants de colonnes donnent toujours dans les spécifications le nombre de plateaux théoriques N pour caractériser l'efficacité de leur colonne. 
En CPG, N est donné pour un produit donné, souvent le tridécane (C13H28)

 
2-2-2 Notion de hauteur équivalente à un plateau théorique

Pour exprimer l'efficacité d'une colonne de longueur L et de N plateaux théoriques, on définit la hauteur H équivalent à un plateau théorique:

  H = L/N                      (eq.2-7)

H est appelé la hauteur équivalente à un plateau théorique (HEPT), ce paramètre varie entre 10 et 0,01 mm. Le paramètre H est intéressant car il est indépendant de la longueur de la colonne.

Le tableau suivant montre le pouvoir de séparation des chromatographies les plus utilisées.

Type de chromatographies

Nombre de plateaux

théoriques N

N/par mètre de

colonne
H (HETP) en mm
CPG (colonne remplie de 2 m) 2000
1000
1
CPG (colonne capillaire de 25m) 100000
4000
0,25
CPL classique de 50 cm 100
200
5
HPLC de 10 cm 5000
50000
0,02

Exercice d'application 2-1

Le chromatogramme de la nicotine a été obtenu dans les conditions suivante :
Conditions
CPG. Colonne remplie
10% Carbowax 20M/2% KOH sur 80/100 Chromosorb W AW
6' (183cm) x 2mm ID .
Débit de la phase mobile: 20mL/min.  Inj.:1µL
Four: 200°C. Temps de rétention de la nicotine = 3,20 mn. Four: 180°C. Temps de rétention de la nicotine = 6,60 mn
 
  Questions :
1- Calculer la vitesse linéaire (en cm/sec) de la phase mobile dans la colonne.
2- En déduire le temps mort de cette analyse.

3-Calculer le temps de rétention de la nicotine à 160°C.

4- Peut-on éluer la nicotine en 1 mn, sachant que la température limite d’utilisation de la colonne et de 250°C ?
5-
Le pic de la nicotine  a une largeur à mi-hauteur de 10 sec. Calculez  N et H.

Solution

1- le débit D = V/t = pr2L/t or la vitesse u = L/t d’où u = D/ pr2 Application numérique :  u = 20// p(0,1)2 soit 636 cm/min ou 10,6 cm/sec
2- tm = L/u soit tm = 183/10,6 = 17,26 sec = 0,29 mn.
3- Pour la nicotine t’r= 2,91 mn à 200°C et t’r= 6,31 mn à 180°C ; l'expression (eq.2-12) conduit à 2 équations avec 2 inconnues.
ln(2,91) = A/473 + B et ln(6,31) = A/453 + B. La résolution donne A=8408 et B= -16,7, d'où tr = 15,44 mn à T = 433°K soit 160°C
4-  à 250°C soit T = 523°K on obtient  t'r = 0,53 mn soit tr= 0,82 mn.
5- N = 5,54(3,2*60/10)2 = 2042 plateaux théoriques et H = 1830/2521 = 0,90 mm

2-3 -THÉORIE DYNAMIQUE DE LA CHROMATOGRAPHIE

Ce modèle issu de la mécanique des fluides a été mis au point  par J.J. Van Deemter. En 1956, ce physicien a mis au point l'équation (eq.2-8) qui relie H (HEPT) aux caractéristiques physiques de la colonne et de la phase mobile.

                        H = A + B/u + C.u     (eq.2-8)

u est la vitesse de la phase mobile.

Trois facteurs, représentés par les 3 termes de l'équation 2-8, contribuent à l'élargissement des pics 

2-3-1 Diffusion turbulente. (Terme A)

Suivant la taille et la forme des particules, ils existent pour la phase mobile, plusieurs trajets possibles, cette particularité contribue à l'élargissement des pics

d'où  A = 2 l dp l est une constante voisine de 1.  dp est le diamètre moyen des particules. Donc, plus les particules sont petites et plus le remplissage est homogène, plus l'efficacité de la colonne augmente.
La contribution de A est nulle pour une colonne capillaire de chromatographie en phase gazeuse.

2-3-2- Diffusion longitudinale. (Terme B)

Le terme B/u traduit la dispersion du soluté à cause de la diffusion du soluté dans la colonne.


Par exemple, dans un flux liquide, les molécules au centre du flux progressent plus vite que celles qui sont sur les bords au contact des particules; on a B = 2 g Dmg est une constante (g<1). 
et Dm est le coefficient de diffusion du soluté dans la phase mobile.
Le terme B/u est évidemment inversement proportionnel à u. L'efficacité d'une colonne augmente avec la vitesse de la phase mobile.Ceci peut expliquer les bonnes séparations obtenues en HPLC; de plus, comme le terme Dm est environ 5 fois plus grand en CPG qu'en CPL, il en résulte que la contribution de la diffusion longitudinale est presque négligeable en HPLC.

2-3-3- Résistance au transfert de masse.(Terme C)

Ce terme C*u représente la résistance au transfert du soluté entre les phases mobiles et stationnaires, cette résistance empêche l'établissement de l'équilibre entre S(pm) et S(ps). Ce phénomène est  du par exemple au fait que certaines molécules stagnent dans les pores de la phase stationnaire.
Plus la vitesse (u) de la phase mobile diminue, plus les molécules de soluté peuvent pénétrer dans la phase stationnaire, plus l'équilibre entre les 2 phases est favorisé et plus la colonne est performante.
Le terme C est proportionnel à (dp2/Dm), les colonnes les plus efficaces seront celles régulièrement remplies et bien tassées où le diamètre des particules est le plus faible possible. Il faut également utiliser des solvants de faible viscosité pour minimiser ce terme

2-3-4- Courbe de Van Deemter
La représentation graphique de l'équation (eq.2-8) est appelée courbe de Van Deemter


On peut tirer un résultat important de cette courbe, c'est l'existence d'un débit optimal de phase mobile pour lequel l'efficacité de la colonne est maximum (HEPT minimum).

Réduire le débit de la phase mobile en deçà de ce débit optimal peut diminuer fortement le pouvoir séparatif d'une colonne, surtout en CPG où la contribution du terme B/u est importante
Contrairement à la CPG, en HPLC au-dessus du débit optimal, l'efficacité de la colonne est pratiquement indépendante du débit de la phase mobile. Ceci permet de raccourcir les temps d'analyse, sans perdre trop de pouvoir de séparation
Ils existent d'autres formulations de l'équation de Van Deemter  plus adaptées à la HPLC .

Exemple de courbe de Van Deemter expérimentale : Exercice d'application 2-2

Soit une courbe de V.D. expérimentale, obtenue en HPLC, [ Int .Lab 30, 20 (2000)]; en ordonnée est reportée la hauteur de plateau  réduite  h  = H/dp (où dp  = 5 mm est le diamètre des particules. On considère deux points particuliers A et B sur cette courbe.

1- Au point A (débit = 1 ml/mn, U = 0,65 mm/s et h = 2), calculer le temps mort et le temps d'analyse.

2- Même question au point B (débit = 2,75 ml/mn, U = 1,7 mm/s et h = 2,5).

3- Calculer la perte d'efficacité de la colonne  entre A et B (NB/NA ). Conclusion.

Solution:

1- tm = L/u soit 230 s = 3,83 mn; tA = tm(1+k') = 708 s = 11,80 mn

2- tm = 88,23 s = 1,.47 mn; tB = 271,76s = 4,5 mn

3- NB/NA = hA/hB = 0,.8 . En conclusion, N diminue un peu car il est multiplié par 0,8 mais le temps d'analyse diminue énormément car il est divisé par 2,6.
Il peut donc s'avérer plus "rentable" de faire l'analyse au point B qu'au point A.