COURS DE CHROMATOGRAPHIE  (Master de Chimie 1ère année)  Faculté des Sciences d'Orsay


ANALYSES EN CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE


5-1 PROGRAMMATION DE TEMPÉRATURE EN CPG.

Figure 5-1  Intérêt de la programmation de température.
Cette figure 5-1 reproduit deux chromatogrammes d'un mélange d'alcanes linéaires C10-C18, avec deux modes de fonctionnement différents du four du chromatographe
1- chromatogramme de gauche: mode isotherme, les produits légers ne sont pas séparés et les produits lourds "traînent" sur la colonne
2- chromatogramme de droite: mode en programmation de température, tous les produits sont séparés.
Pratiquement dans une programmation de température, la température finale doit être juste en dessous du point d'ébullition du soluté le moins volatil


5-2 ANALYSE QUALITATIVE


5-2-1 Méthode par exaltation des pics
La chromatographie en phase gazeuse peut permettre l'identification d'un produit dans un mélange complexe. A cette fin on utilise le temps de rétention (tr).
Dans un mélange complexe on injecte un produit pur, cela permet de déterminer le temps de rétention de ce produit en comparant le chromatogramme obtenu avec celui du mélange seul.
Cette méthode est utilisée en répression des fraudes (produits alimentaires...), on contrôle la présence du produit par une autre injection sur une autre colonne avec une phase stationnaire différente.

5-2.2- Méthode des indices de rétention

Les indices de rétention ont été définis par Kowats en 1958. A chaque produit (i) est associé un indice de rétention I(i), cet indice déduit des formules (5-1 et 5-2) est basé sur un système d'étalonnage par des hydrocarbures linéaires.


Les indices I(i) se calculent de 2 manières différentes suivant le fonctionnement en température du chromatographe.

En mode isotherme, on injecte sur la colonne à une température et à une pression d'entrée données, les alcanes linéaires de formule CnH2n+2 avec n ≥ 5.
On repère les temps de rétention réduits de ces alcanes t'r(n) et t'r(n+1) et celui du produit considéré t'r(i)
Si un soluté est élué entre les deux alcanes (n) et (n+1), son indice de rétention Ii est donné par la formule suivante:
  (eq.5-1)
Dans la formule (éq.5-1), on peut employer indifféremment des logarithmes népériens ou des logarithmes décimaux

En mode programmation de température la formule est différente et utilise des temps de rétention "normaux" tr(i)
(eq. 5-2)

Il résulte des formules.5-1 et 5-2 que les alcanes linéaires on des indices multiples de 100, I(pentane) = 500, I(hexane) =600...

Ces indices de rétention se sont avérés remarquablement reproductibles
  - pour une phase stationnaire donnée, quelque soit le % d'imprégnation pour les colonnes remplies ou l'épaisseur du film pour les colonnes capillaires.
  - ils sont relativement indépendants de la température.
Cette bonne reproductibilité a été évaluée à  + ou - 0,5%, ceci permet de comparer et d'utiliser des résultats venant de laboratoires différents. Ils existent donc des tables répertoriant les indices de rétention de nombreux produits chimiques.
"La bonne pratique du laboratoire de chromatographie" dit que un produit inconnu peut être identifié si l'on obtient une bonne coïncidence pour deux phases stationnaires différentes entre les indices de rétention de la littérature et les indices expérimentaux du produit.

5-3. SÉPARATIONS CHIRALES EN CPG

Si on dispose d'un mélange de 2 énantiomères (isomères optiques) il y a deux techniques pour obtenir une séparation en CPG, séparation qui doit permettre une visualisation et un dosage des 2 énantiomères.

5-3-1 Dérivatisation par un agent chiral .

Si par exemple, on dispose un mélange de 2 alcools R-OH énantiomères R et S, on fait réagir ces alcools avec du chlorure de 2-phényl propionyle R, pour obtenir deux esters diastéréoisomères :C6H5-CH(CH3)-COO-R  (RR et  RS). Ces diastéréoisomères peuvent être séparés et dosés sur une colonne conventionnelle.

5-3-2. Utilisation d'une phase stationnaire chirale.

Dans ce cas on observe une interaction différente entre la phase stationnaire et chaque énantiomère, d'où une élution différente des 2  isomères optiques.
La phase stationnaire peut être un polymère siliconé greffé avec des groupes chiraux (dérivé du camphre par ex) ou un composé chiral comme une cyclodextrine peralkylée (OH en O-R ).

Figure 5-2. Séparation des énantiomères du linalool [S(+) et R(-)] et détermination de la composition énantiomérique de huile de lavande commerciale et de l'extrait de lavande naturelle sur une colonne capillaire de 25 m (température  80°C) imprégnée d'une a cyclodextrine chirale. [König et coll . J. High        Res. Chromatogr. 13, 328 (1990)]  


Voir :Etude des énantiomères du linalool

D'après (eq.3-4), on a :   d(S,R)G° = -RT ln(a) = RT ln((trS-tm)/(trR-tm))= d(S,R)H° - T d(S,R)S°.

Si on porte sur un graphique Rln(a) en fonction de 1/T sur un faible domaine de température on peut déterminer (S,R)H° et  (S,R)S°.

5-3-3 Exercice d'application:

Lors de la séparation représentée sur la figure 5-2, l'énantiomère R est élué avant l'énantiomère S. En mesurant les facteurs de séparation à 2 températures différentes de la colonne on obtient :

a = 1,015 à 60°C et a = 1,022 à 50°C.

1- Calculer la différence d'énergie libre de dissolution d(S,R) = (R)G°-(S)G° entre les 2 énantiomères.<>
2- Calculer la différence d'enthalpie de dissolution d(R,S)= (R)H°-(S)H° entre les 2 énantiomères
3- Calculer la différence d'entropie de dissolution d(R,S)= (R)S°-(S)S° entre les 2 énantiomères
4- Existe-t’il une température où les 2 énantiomères ne sont pas séparés ?

Solution.

1-Comme a est très voisin de 1 on RT(a-1) = - d(S,R)
d'où d(R,S)= -323x8.31x0,022= -59 J /mol à 50°C et d(R,S)= - 42 J /mol à 60°C

2&3- si on pose x= d(R,S)H°  et y = d(R,S), on a 2 équations :

 à 60°C : -42 = x -333y    et à 50°C -59 = x -323y,

d'où on déduit d(R,S) = -608 J/mol et d(R,S)S°  = -1,7 unités d'entropie.

4- On peut remarquer que les termes enthalpique (d(R,S)) et entropique (-T d(R,S)) sont de signe opposé, si on augmente la température, l'écart d'élution entre les 2 énantiomères va diminuer, devenir nul à T= 85°C puis s'inverser (le R sera élué après le S), lorsque le terme entropique deviendra prépondérant.

5-4- EXEMPLES D'ANALYSE EN CPG

5-4-1 ANALYSES BIOLOGIQUES

Figure 5-3 Chromatogramme d'un mélange de drogues et substances illégales

Colonne OV1 12mx0,2mm

Programmation de température de 140° à 260° à 10°/mn

Le chromatogramme reproduit ci-contre vient du laboratoire de la "New Jersey State Police"



Ces analyses sont utilisées dans la police scientifique. l'analyse se fait essentiellement dans les fluides biologiques (sang, urine) les drogues sont retrouvées intactes mais aussi mélangées avec leurs métabolites



5-4-2- ANALYSE POUR L'ENVIRONNEMENT
Le problème de la pollution de l'eau par les rejets de l'agriculture va devenir de plus en plus aigu. Car l'eau, indispensable à la vie, est au bout de la chaîne des rejets.
On estime que plus de 1000 produits nouveaux sont introduits sur le marché de l'agrochimie chaque année et ces produits se retrouvent inexorablement dans l'eau après quelques années.
Les herbicides et pesticides peuvent être aussi dosés à tous les stades de la chaîne alimentaire (poisson, légumes...)
La norme CE de 1980 donne les doses maximum prescrites pour l'eau de consommation: (<0,5 mg/l de pesticides, <100 mg/l de CX3H (X= F, Cl)...etc.)
Une liste rouge a été établie pour déterminer les produits les plus dangereux (Hg, Cd, Cr, DDT, Dioxine...), et cette liste s'allonge chaque année.
Exemples d'application de la CPG à l'environnement

Figure 5-4  Chromatogramme d'un mélange de pesticides dans de l’eau de consommation.

Conditions

Fibre SPME: polydimethylsiloxane, film de 100µm
Extraction par immersion, 15 min (sous forte agitation )
Colonne: SPB-5, 15m x 0.20mm ID, film de 0,20µm
Four: 120°C (1 min) à 180°C à 30°C/min, puis to 290°C à 10°C/min
phase mobile: hélium, 37cm/sec (à 120°C)
Det.: ECD, 300°C
Inj.: splitless (vanne fermée 3 min), 260°C

5-4-2- ANALYSE D'HUILES ESSENTIELLES

Figure 5-5  Chromatogramme de l'huile essentielle de menthe.



Conditions

Colonne: SUPELCOWAX 10, 60m x 0.25mm, film de 0,25µm
Four : 4 min (75°C) à 200°C puis 4°C/min, enfin 5 min à 200°C.
Phase mobile: hélium, 25cm/sec (mesuré à 155°C)
Det.: FID
Inj.: 0.2µL, split (100:1)